Le secret d’une succession d’entreprise réussie

Quand un entrepreneur vend son entreprise – souvent l’œuvre de toute une vie –, il veut être sûr qu’elle sera entre de bonnes mains. L’important n’est généralement pas de vendre au prix maximal, mais de faire en sorte que le passage de relais soit préparé de manière optimale et se fasse dans la plus grande transparence, et d’offrir des perspectives d’avenir aux collaborateurs en place.

Lors d’une transmission d’entreprise, faire appel à des experts est décisif aussi bien pour le vendeur que pour l’acquéreur. Ils apportent un regard de professionnel sur l’entreprise, le secteur et les personnes impliquées, et soulèvent des questions qui risqueraient sinon d’être oubliées.

 

L’idéal serait de réfléchir à la succession dès la création de l’entreprise, d’en faire un thème stratégique afin que l’entreprise puisse être pérenne et couronnée de succès durant plusieurs générations. Mais la réalité est souvent différente. De nombreux patrons restent trop longtemps à la tête de leur société et lorsqu’ils commencent à réfléchir à leur succession, il est souvent déjà trop tard. Car une planification minutieuse est cruciale, et cela prend beaucoup de temps. Une succession d’entreprise sera d’autant plus réussie qu’elle sera préparée en amont.

 

Nous avons demandé à Vincent Gygax, Head Corporate Finance à la Banque CIC (Suisse) SA, et Pierre-Luc Maillefer, administrateur de diverses entreprises et fondations, en quoi il est bénéfique de faire appel à un conseiller en fusions et acquisitions expérimenté lors de la transmission d’une entreprise.

Dans quels cas devrait-on demander une valorisation de son entreprise avant de la vendre, et quel en est l’intérêt ?

P.-L. Maillefer : Si vous possédez une petite entreprise classique comme un salon de coiffure, par exemple, la situation de départ est claire. Vous savez qui, au sein de votre réseau, pourrait être intéressé et vous pourrez peut-être vendre votre affaire sans aide extérieure. En revanche, si vous avez une entreprise atypique qui travaille dans une niche ou qui est soumise aux fluctuations du marché, la recherche d’un acquéreur devient plus délicate. Souvent, les PME n’ont pas accès aux informations de base et statistiques qui sont indispensables pour une valorisation détaillée.

 

V. Gygax, Banque CIC : Pour le vendeur, la transmission s’inscrit généralement dans un contexte émotionnel particulier. Un expert examine quant à lui tous les éléments qui pourraient influer sur la valeur d’une entreprise. Mais une succession ne se limite pas à des aspects financiers, juridiques, fiscaux et entrepreneuriaux. Il faut aussi prendre en compte les facteurs psychologiques et l’environnement (marché, concurrence, lois, etc.). Une expertise fournit une base de discussion.

Pourquoi avez-vous décidé de faire appel à un conseiller externe en fusions et acquisitions pour la vente de votre entreprise ?

P.-L. Maillefer : Il y avait trois raisons principales à cela. Premièrement, cela m’a permis d’avoir un plus grand nombre d’offres que si j’avais cherché une solution moi-même. Le réseau d’une banque de conseil est nettement plus étendu que celui d’un entrepreneur. Deuxièmement, je voulais avoir à mes côtés quelqu’un qui ait un regard neutre. Et enfin, il y avait l’aspect de la confidentialité, qui est important à la fois pour le vendeur et pour l’acquéreur.

Quels sont selon vous des manques de préparation typiques lors d’une vente d’entreprise ?

P.-L. Maillefer : En tant qu’entrepreneur, on devrait connaître à tout moment la valeur de son entreprise. Quels sont mes atouts ? Quelle est ma position dans mon secteur ? Quelle influence l’évolution du marché aura-t-elle sur mon entreprise ? Quel est l’objectif à atteindre et comment est-ce que je m’imagine la solution de succession ? Un entrepreneur qui n’a pas d’enfants ou dont les descendants ne veulent pas reprendre l’affaire se doit d’envisager une solution alternative suffisamment tôt. Il faut aussi prendre en compte les objectifs stratégiques : si l’on sait que son entreprise est trop petite pour se développer d’elle-même, par exemple, une fusion pourrait être une bonne solution.

D’après votre expérience, quelles sont les erreurs qu’il convient d’éviter lors d’une vente d’entreprise ?

P.-L. Maillefer : Il faut prendre le temps de faire connaissance avec les repreneurs. Quand on cherche seul, on peut perdre de son objectivité et se laisser influencer, par exemple si l’on éprouve de la sympathie pour un acquéreur potentiel. Sans un conseiller externe, il est impossible de disposer de toutes les informations sur un acheteur. Une telle aide est donc précieuse.

Quelle est votre expérience des mécanismes tels que l’Earn-out ou le prêt vendeur ?

P.-L. Maillefer : En tant que vendeur, on voudrait trouver la meilleure solution, la plus simple possible, de préférence à un prix fixe. Mais au fil du processus, la situation peut changer du tout au tout. L’acquéreur manque peut-être de liquidités disponibles immédiatement ou envisage une reprise à une date ultérieure. Il faut rechercher très vite un dénominateur commun et éviter de faire traîner le processus en longueur.

 

V. Gygax, Banque CIC : Ces deux mécanismes peuvent être intéressants lorsque les deux parties ont du mal à s’accorder sur un prix. L’Earn-out est un complément de prix qui permet d’ajuster le prix de la transaction en fonction de résultats futurs. Le prêt vendeur permet quant à lui de reporter le paiement d’une partie du prix et de maintenir l’engagement du vendeur. Il est relativement fréquent dans le cas de structures LBO/MBO et est souvent utilisé pour compenser un manque de fonds propres de l’acheteur.

Quelle valeur ajoutée un administrateur professionnel peut-il apporter dans le cadre d’un processus de vente ?

P.-L. Maillefer : Un conseiller externe peut faire profiter de son expérience et sait à quel moment il faut agir. Il coordonne toutes les réflexions et peut apporter une certaine sérénité au processus. La cession d’une entreprise représente toujours un grand changement et, pour le vendeur, elle s’inscrit dans un contexte émotionnel qu’il ne faut pas sous-estimer.

Quel est votre plus beau souvenir de transmission et pourquoi ?

P.-L. Maillefer : Un jour, j’ai participé à la fusion de trois établissements du même secteur. La mise en œuvre a duré un an. Les collaborateurs ont été impliqués dans le processus et ont pu se préparer psychologiquement à la fusion. Au final, tout s’est déroulé dans la sérénité et la fusion a été une réussite. Dans cette situation, un conseil externe était bien entendu indispensable.

Quels sont les plus grands défis auxquels un entrepreneur doit se confronter lors de la vente de son entreprise ?

P.-L. Maillefer : Il faut respecter une certaine chronologie et conserver un rythme lors des négociations. Il faut aussi s’attendre à des imprévus. Les rôles doivent être clairement définis afin de pouvoir prendre des décisions sans perdre cette dynamique.

 

V. Gygax, Banque CIC : La confidentialité doit être garantie. Ce qui est plus facile lorsque le processus est bien structuré et rythmé. L’aspect psychologique joue également un rôle important ; le management doit être impliqué dans le processus suffisamment en amont pour pouvoir ensuite garantir la réussite de l’entreprise.